Depuis plusieurs mois, les recruteurs font le même constat. À compétences équivalentes et niveau de rémunération similaire, certaines annonces attirent nettement moins de profils que d’autres. Le point commun revient souvent : l’absence totale de mention du télétravail. Même lorsqu’il n’est pas possible à temps plein, le simple fait de ne rien indiquer agit comme un frein immédiat.
Ce phénomène n’est pas marginal. Il touche aussi bien les PME que les grands groupes, dans des secteurs très variés. Les chiffres confirment une évolution profonde des attentes des candidats, bien au delà d’un simple effet de mode.
Lorsqu’un candidat parcourt une offre, certains éléments sont scannés en quelques secondes. Intitulé du poste, localisation, rémunération, puis conditions d’organisation. Le télétravail fait désormais partie de cette lecture rapide.
Selon une étude menée par Malakoff Humanis en 2024, 62 % des actifs français déclarent vérifier systématiquement la présence d’une mention liée au télétravail avant de lire le reste de l’annonce. L’absence d’information est souvent interprétée comme un refus implicite, même lorsque ce n’est pas le cas.
Ce mécanisme explique pourquoi une offre peut perdre une part importante de candidats sans jamais être réellement évaluée sur son contenu.
Ne rien mentionner laisse place à l’interprétation. Pour beaucoup de candidats, ce flou est perçu comme une contrainte potentielle. L’idée dominante est simple : si le télétravail existait, il serait affiché.
D’après une enquête Apec publiée fin 2024, près de 48 % des cadres estiment qu’une offre muette sur l’organisation du travail cache une rigidité interne. Cette perception suffit à déclencher un abandon de candidature, sans échange ni question préalable.
Le problème n’est donc pas uniquement le refus du télétravail, mais l’absence de position claire.
Les plateformes d’emploi confirment ce comportement. Sur LinkedIn, les offres mentionnant au moins une journée de télétravail par semaine reçoivent en moyenne 25 à 30 % de candidatures supplémentaires par rapport aux annonces équivalentes sans mention.
Ce différentiel apparaît très tôt. Les premières 48 heures de diffusion sont décisives. Une annonce sans indication claire voit son taux de clic diminuer, ce qui réduit mécaniquement sa visibilité algorithmique sur les job boards.
Moins de clics entraîne moins d’impressions, puis moins de candidatures.
Les candidats ne comparent plus uniquement les missions ou les intitulés. Ils comparent des conditions globales. Deux postes similaires peuvent générer des volumes de candidatures très différents selon la manière dont l’organisation du travail est présentée.
Une étude Indeed de 2024 montre que 73 % des candidats comparent au moins trois offres similaires avant de postuler. Dans cette comparaison, la présence ou non du télétravail agit comme un élément discriminant, même lorsque la rémunération est identique.
L’offre qui apporte une information claire prend un avantage immédiat.
Dans l’imaginaire collectif, une entreprise qui ne mentionne pas le télétravail est souvent associée à des modes de management plus traditionnels. Présentiel strict, horaires fixes, faible marge de manœuvre personnelle.
Cette association n’est pas toujours fondée, mais elle est largement répandue. Selon une enquête OpinionWay, 56 % des actifs associent l’absence de télétravail à une organisation jugée moins moderne.
Ce ressenti joue un rôle direct dans la décision de postuler, surtout chez les profils qualifiés et expérimentés.
Les métiers en tension illustrent parfaitement ce phénomène. Développeurs, profils data, marketing digital, chefs de projet ou experts métiers disposent souvent de plusieurs opportunités simultanées.
Pour ces profils, le télétravail n’est plus un bonus, mais un élément intégré à l’équation globale. Une offre sans mention claire est perçue comme moins attractive, même si le poste est intéressant sur le fond.
Selon Hays, 64 % des candidats cadres refusent désormais d’entrer dans un processus sans visibilité sur l’organisation du travail dès l’annonce.
La demande ne repose pas uniquement sur le confort. Elle répond à des réalités logistiques et économiques. Temps de transport, coût des déplacements, équilibre personnel, organisation familiale.
L’Insee estime qu’un salarié francilien passe en moyenne 1 h 28 par jour dans les transports. Une seule journée de télétravail par semaine représente plus de 70 heures économisées par an.
Lorsque cette possibilité n’est pas mentionnée, de nombreux candidats éliminent l’offre par anticipation.
Chez les moins de 35 ans, l’attente est encore plus marquée. Une étude menée par PwC révèle que 82 % des actifs de moins de 30 ans considèrent le télétravail comme un critère déterminant dans le choix d’un employeur.
Pour cette tranche d’âge, une annonce sans indication est souvent interprétée comme un décalage avec leurs attentes actuelles. Le poste peut être intéressant, mais il est jugé moins compatible avec leur mode de vie.
Cette réalité pèse lourdement sur les volumes de candidatures.
Beaucoup d’entreprises autorisent ponctuellement le télétravail, sans pour autant l’indiquer. Cette omission part d’une volonté de flexibilité interne, mais elle produit l’effet inverse côté candidats.
Selon une analyse menée par Welcome to the Jungle, les annonces mentionnant explicitement “télétravail possible” reçoivent en moyenne 34 % de candidatures supplémentaires, même lorsque la réalité terrain reste souple et négociable.
Le simple fait d’écrire ouvre la porte. Le silence la referme.
Les algorithmes des sites d’emploi valorisent les offres qui génèrent de l’interaction. Plus de clics, plus de temps passé, plus de candidatures.
Une annonce sans mention du télétravail attire moins de clics initiaux, ce qui réduit sa mise en avant automatique. Elle devient moins visible, donc encore moins consultée.
Ce cercle auto entretenu explique pourquoi certaines offres semblent invisibles malgré une diffusion prolongée.
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Même lorsqu’un poste nécessite une présence régulière, ne rien préciser laisse entendre une absence totale de souplesse. Les candidats préfèrent souvent une réponse claire à une zone d’ombre.
Une enquête menée par Robert Half indique que 41 % des candidats préfèrent une annonce indiquant “pas de télétravail” à une annonce qui ne précise rien. La clarté est jugée plus rassurante que l’ambiguïté.
Le problème n’est donc pas toujours le contenu, mais la manière de le présenter.